On part obligatoirement pour ce genre de voyage avec des idées préconçues, des images, des choses qu’on veut voir. On part aussi avec des illusions, des erreurs de jugement, des grilles de lecture mal adaptées. Au bout du compte, sur la route, on confronte nos attentes et nos chimères à une réalité qui, le plus souvent, n’est perçue que de manière très linéaire à travers un pare-brise et l’expérience, pour réelle qu’elle soit, est surtout un voyage interne.
Clichés australiens (image chopée sur le web)
Côté attentes, pour ce road trip, il y avait d’abord et avant tout Uluru, symbole de l’Australie géologique et haut lieu de la culture aborigène. Nous n’envisagions pas de faire ce voyage sans l’avoir vu. Pour ma part, je voulais aussi en savoir un peu plus sur la mythologie du lieu et la nature du Dreamtime, ce temps du rêve qui est au centre de la pensée aborigène. Evidemment, les kangourous devaient faire partie de la fête. Sur le chemin, comme nous prenions la route du nord, il y aurait aussi la Grande barrière de corail, et peut-être un crochet par Darwin, la visite d’une ville fantôme et quelques balades dans les parcs nationaux avant d’arriver à Melbourne.
Dreamtime (image chopée sur le web)
Dans la série des illusions et du calibrage pas trop bien effectué, nous pensions pouvoir faire ça en 5 jours (pas toute la liste, bien sûr, on n’est pas stupide! mais Brisbane-Uluru-Melbourne, c’était faisable, quand même, non ?). Nancy, la PVTiste allemande de l’agence de location Apollo nous a vite fait comprendre que… comment dire ? Bah non, il valait mieux compter deux semaines si on voulait faire autre chose que de la route. OK, elle est allemande, mais elle connaît sans doute son métier, alors on lui fait confiance. Par contre au fond de nous on se dit: « Du coup, on est large! ». Oui, oui. C’est ça, on est large!
Seulement voilà, l’Australie ce n’est pas seulement loin, c’est aussi un peu grand. Et même si nous sommes restés sur ce qu’on peut qualifier comme des grands axes (pas de piste non goudronnée avec un camper van de 7 mètres, quand même!), les routes n’ont pas forcément la même qualité que dans nos contrées.
Première étape, donc, avec notre sens du timing habituel, nous partons de Brisbane en milieu d’après-midi, soit à la sortie des écoles, ce qui est le moment le plus pertinent pour apprendre à manoeuvrer l’engin et maîtriser la conduite à gauche dans une ville qu’on ne connaît pas. Mais on s’en tire bien (je dis « on » mais le lecteur sait bien que ce n’est pas exactement de moi que je parle en l’occurrence!). Après ce qui nous semble être un temps honorable pour une première pause sur la route, nous nous arrêtons à une grande station service pour casser une petit croûte et nous découvrons que l’endroit se nomme Caboolture… soit le terminus des trains régionaux que nous prenions pour nous déplacer en ville. Donc pas si loin que ça en somme, un peu le Mantes-la-Jolie de Brisbane, quoi.
Bref, nous reprenons la route entre les forêts d’eucalyptus et les chantiers de réfection de chaussée, contents de notre aventure qui commence malgré tout plutôt bien. A la nuit tombée, nous nous rendons compte que nous ne roulons que d’un oeil: le phare côté conducteur (donc droit) est grillé. Ce n’est qu’un détail mineur, mais ça va dans le sens des désillusions: non, nous n’allons pas pouvoir rouler toute la nuit. Qu’à cela ne tienne, nous sommes larges, et munis de la Bible Camps 7, nous trouvons notre première aire de repos du voyage, à Apple Tree Creek, soit quand même près de 320km au nord de Brisbane.
La première nuit dans le van a été impeccable. Dans les idées que je me faisais, il y avait, je l’avoue, la certitude que j’aurais vite marre de la vie en caravane, mais c’était aussi une erreur. Franchement, c’est confortable. Au matin, j’écarte le rideau du camion et je vois un oiseau sur une branche, je le prends en photo pour commencer la série des oiseaux du matin (à ce jour, je ne sais toujours pas la marque de ce piaf, ça se joue entre la petite magpie et le butcher bird). Nous sommes frais, admiratifs devant la propreté des toilettes publiques du Queensland, contents de notre location. Nous décidons de pousser un peu plus loin vers Childers pour faire nos courses et continuer la route vers la Grande barrière de corail.
Une nouvelle série de forêts d’eucalyptus et de chantiers routiers peuple notre deuxième journée jusqu’au tropique du Capricorne (on pense aux natifs du signe mais aussi à Odette la bébête). Le soir tombe quand nous arrivons à Rockhampton. Pas le temps de visiter: comme nous sommes encore borgnes, notre premier objectif est de trouver un spot où passer la nuit, et tant qu’à faire au bord de la mer. Camps 7 nous indique Emu Park.
On est encore hors saison, ce qui fait que la plupart des endroits que nous allons voir sur la route sont à moitié vides et peuplés de retraités. Ca donne parfois un côté un peu fantastique au voyage. Emu Park ne fait pas exception. Après un tour au bottle shop du coin (nous découvrons la Crown), nous choisissons de nous installer sur un petit parking à deux pas d’un camping payant au bord d’un lac. Nous avons deux voisins, tous deux viennent nous rendre visite avec des commentaires sur notre véhicule. Le premier, un bonhomme d’une soixantaine d’années dont le camper van n’est plus tout frais, me demande si je veux échanger. Le second, la trentaine, est installé de manière plus durable sur le parking (il a un hamac accroché à un arbre, un groupe électrogène et une sacrée quantité de matériel divers éparpillé partout). Je le fais répéter trois fois pour comprendre mais en gros « il n’aimerait pas avoir à nettoyer toutes ces vitres ». Nous sommes les stars des campeurs du parking, avec notre VW! D’autres personnes viennent se garer, apparemment nous sommes sur un haut lieu de la pêche nocturne.
Les oiseaux du second matin, ce sont les inséparables. Nous nous levons avant l’aube (exploit qui ne sera jamais réitéré) et nous allons voir le lever du soleil sur la mer, près du Singing Ship, un monument qui chante avec le vent à la mémoire du capitaine Cook (découvreur européen de la région en 1770).
Deuxième étape, 640 km parcourus (pour info c’est moins de 10% de la distance finale). A ce stade, c’est un autre pan de nos illusions qui s’écroule. Nous avions l’intention de pousser au moins jusqu’à Mackay et voir un bout de la Grande barrière de corail, mais ça ajouterait au moins 2 jours au voyage, et mine de rien, eh bien nous ne sommes pas si larges que ça!
Avant de partir de France, nous avions déjà supprimé bon nombre des étapes envisagées à l’origine pour ce tour du monde, la mort dans l’âme, nous disons donc adieu à la Grande barrière de corail. De toute façon, nous ne savons pas plonger et c’est plein de créatures pas sympa du tout (les stingers, des méduses mortelles, mais aussi des poissons venimeux et des requins)… et puis il nous faut une ampoule de phare!
Donc, faute de couleurs fabuleuses dans le monde du silence, nous avons attendu l’ouverture du Super Cheap, magasin auto de Rocky (appellation locale de Rockhampton), conseillé par une caissière de station service à Emu Park qui m’a fait un grand coucou de la main pour me dire au revoir alors que j’étais à vingt centimètres de sa caisse (c’est une autre culture!). Enfin munis de notre phare droit, nous avons pris la route sur le Capricorn Highway, mais ça, c’est une autre histoire.
↑ vu / pas vu ↓
A suivre…
La carte de cet épisode:
Les geekeries du voyage:
On loue ça:
Je vois ça:
Je lis ça:
Je vois ça:
Mon imagination est en action, mes filtres sont déréglés, c’est le thème central de ce road-trip!
excellent comme d’habitude! Je vous lis avec plaisir et je rigole toute seule! Bravo Stef et bon voyage à vous 2..