Montréal – L’Amérique en VF… ou pas vraiment

Je ne sais pas si j’ai perdu l’habitude ou si le québécois s’est encore écarté du français de France depuis vingt ans, mais je m’émerveille à nouveau devant les formulations d’ici.

Pour ceux qu’il l’ignoreraient, j’ai passé une année à Toronto, sur le campus bilingue de Glendon, à étudier la traduction.

glendon

Déjà à l’époque, je pouvais entendre dire mon amie de fille vit sur mon plancher sans trop sourciller, je savais qu’un Canadien francophone était sur le téléphone ou (moins confortable) sur l’avion.

wonderwoman2

Déjà, je ne marchais plus trop quand j’entendais des Français dire avec sorte de respect nostalgique dans la voix que le québécois est le français du 18e siècle. D’abord parce que c’est une absurdité de croire que le Français aurait continué d’évoluer en Europe alors qu’il serait resté figé en Amérique, mais surtout, c’est méconnaître la perméabilité des langages humains.

Je me ferais tuer par n’importe quel Québécois si je lui disais ça en face, mais le français d’ici est truffé d’anglicismes. Et c’est tout à fait normal.

Alors on m’opposera qu’au contraire, ils évitent les emprunts, qu’un parking est un stationnement (où ils parquent leur char), et que les panneaux disent Arrêt, pas Stop. Soit.
En attendant ils checkent les caps de roues du char (en français.fr ils visent les enjoliveurs de la bagnole) et peuvent commenter sur le caractère fucké de quelqu’un ou quelque chose.

Arret

Encore une fois, c’est tout à fait normal. Plus, en tout cas que les anglicismes importés en France par la presse qui, parmi de nombreux tics énervants, dit perdre la vie au lieu de trouver la mort, et qui emploie maintenant définitivement dans le sens d’assurément (c’est définitivement la meilleure équipe du championnat… bah non, par définition, un champion ne peut pas être définitif, puisque les records sont faits pour être battus! Bref. Ce serait – ou sera – un autre blog.)

En fait, ce qui m’épate, c’est que la plupart du temps, dans les affichages bilingues de la ville, le français.ca est totalement correct, il est juste formulé d’une manière qui ne viendrait pas à l’idée du Fançais.fr. Plus que dans le vocabulaire, c’est dans la manière de formuler, très proche du texte anglais, que l’on décèle une manière de penser, pour le coup, assez différente.

Exemple:

???????????????????????????????

Réservé aux personnes. OK. Pourquoi pas? Je ne saurais même pas l’exprimer en Français européen. Ca se comprend, c’est du français correct, mais c’est une formulation complètement étrangère.

Il y en a des tonnes et des tonnes d’autres. « Interdiction de stationner en tout temps« , c’est pareil, on ne l’exprime pas chez nous. Si c’est interdit, en France, c’est interdit tout le temps, pas la peine de le marquer… sauf s’il y a des exceptions, auquel cas on précise. C’est bien là une manière de penser, d’envisager le monde différemment. Quasiment en négatif, même. L’escalator n’est pas réservé aux personnes, il est interdit aux vélos, patins, et autres engins qui risquent de ne pas tenir en équilibre.

Réservé aux personnes, c’est l’expression en français de concepts anglophones. Mais au-delà de l’emprunt, dans l’esprit du Canadien francophone, ça veut dire quelque chose. La personne, c’est l’être humain sans distinction de sexe. On parle au Canada de droits de la personne.

Autres exemples:

???????????????????????????????

Ici, ce n’est pas très visible sur la photo (sauf en l’agrandissant), mais c’est quasiment tout le texte qui est « correct mais étranger ».

Utilisez le frein d’urgence uniquement lorsque la situation présente un danger pour la vie.

Encore une fois, je pense que le français.fr préférerait l’interdiction directe et soulignerait l’exception. Il y aurait de toute manière une forme négative dans cette phrase, inexistante en français.ca.

Ce qui frappe aussi, c’est le manque de raccourcis. La formulation du danger serait plus courte en France.

Quiconque en fait un usage non justifié est passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 500$ plus les frais.

De même pour cette menace. Elle est bien gentille, non? Même si la nature des frais peut faire réfléchir (dossier ? instruction ? défense?)

Pour toute urgence, veuillez utiliser l’interphone.

Et cette politesse!

Bref, je n’ai pas arrêté pendant tout notre court séjour montréalais, de me poser ces questions linguistiques. Ca et visiter, et boire et manger. Mais ça surtout.

Bon, sinon, on peut continuer à tout mélanger, et dire Passe-moi le broom que je sweep le floor. C’est plus rigolo et moins compréhensible pour les autres!

Flashback (ou devrais-je dire analepse?):

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *