Sur la route (2a) – Les histoires qu’on se raconte [Rockhampton]

Capricorn Highway, la route est droite et monotone. En regardant défiler le paysage, nourri par toute la mythologie classique et moderne que je transporte avec moi, j’ébauche des histoires que je n’écrirai jamais. Les clichés, les idées préconçues et les surprises de la route s’entremêlent pour former un volume supplémentaire dans la bibliothèque de Lucien. 

Moins d'arbres
horizons

« La bibliothèque de qui ? » « C’est qui ce Lucien ? » OK, je m’explique. Pour ceux d’entre vous qui n’ont pas encore eu l’occasion de lire la série d’albums Sandman de Neil Gaiman (il est encore temps, c’est un chef d’oeuvre), Lucien est un personnage secondaire dont la fonction est de tenir la bibliothèque du Dreaming (le royaume des rêves), bibliothèque qui contient tous les ouvrages que leurs auteurs n’ont jamais écrits, ou jamais achevés, sinon en rêves.

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Je ne le sais pas encore, mais ce jeu d’imagination routière me rapproche d’un autre Dreaming, le Dreamtime des aborigènes.

Le processus commence quand nous quittons Emu Park à l’aube, avec cette jeune fille souriante, à la caisse de la station service, qui m’explique que je trouverai certainement l’ampoule de phare dont nous avons besoin au Super Cheap de « Rocky » (Rockhampton) et qui me fait un coucou de la main après avoir encaissé notre premier plein. Elle est accompagnée d’un vieux monsieur tout aussi sympathique, un pêcheur, j’imagine. En fait, dans cette station service, le présentoir des articles de pêche est bien plus fourni que celui des pièces automobiles. Je ressors du lieu avec des images très lynchiennes en tête. La première scène de Twin Peaks, où Pete Martell part à la pêche avant de trouver le corps de Laura Palmer et où une corne de brume résonne sur le lac (nous avons vu le Singing Ship Monument seulement quelques minutes plus tôt). L’ouverture de Blue Velvet, aussi, avec tout ces gens normaux qui sourient et saluent. Curieusement, je m’arrête là. A Emu Park, je n’ai pas envie d’imaginer le côté obscur de la petite ville.

Seulement le ton est donné et c’est quand même sur le mode David Lynch que je vais interpréter beaucoup d’éléments que nous allons croiser.

Rocky, l’ours polaire

criterion

C’est très probablement sous cette influence que j’ai conçu mon premier embryon d’histoire. A deux endroits de Rockhampton, le toit de l’hôtel Criterion et une vitrine de magasin, j’ai aperçu des ours polaires. Sous le tropique du Capricorne, j’ai trouvé la rencontre assez saugrenue pour imaginer que cet animal puisse être la mascotte de la ville. Après tout, quand on sue à grosses gouttes toute l’année, pour peu qu’on soit doué d’un certain sens de l’ironie, pourquoi ne pas choisir l’ours polaire comme totem ? Ou au moins comme le nom d’une équipe de sport. Ainsi donc est né Rocky.  Le pitch qui peut en découler serait du type L’idée ridicule du président de l’équipe locale pour faire parler de sa ville finit par gagner le coeur des habitants quand les « Ours Polaires de Rockhampton » remportent la coupe. Le plantigrade remplace la vache monumentale à l’entrée de la ville (et Rocky devient la capitale australienne de l’ironie).  

Mais non, Rocky est une ville d’éleveurs de vaches et, après moult recherches, je n’ai trouvé nulle part la moindre référence à un ours polaire. L’histoire est à prendre pour qui veut l’écrire!

welcome rocky(images chopées sur le web)

A suivre: les petites villes du Capricorn Highway.

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