Passé la zone cauchemardesque de la route de la charogne, nous nous approchons du centre. La terre devient de plus en plus rouge (évidemment le geek y voit la conquête de Mars). Les histoires se font moins précises. Bercé par la monotonie du paysage, je m’intéresse à tout ce qui fait exception, un nouveau type d’herbe, un rocher, un morceau de montagne, un troupeau de vaches, une termitière… Et c’est, je pense, ce qui me fera toucher (effleurer seulement, sans doute) la nature du Dreamtime.
Les capitales de l’Outback
Comme il n’y a pas grande chose dans les environs, chaque petit village est la capitale de quelque chose. Ici, ce ne sont pas les histoires que je me raconte, mais celles que les gens se racontent qui sont intéressantes.
Longreach, 2976 habitants, capitale des éleveurs, avec son Ecole supérieure d’agriculture et son Stockman Hall of Fame, mais aussi ville d’origine d’un des fondateurs et point d’origine de la première ligne aérienne de Qantas. Curieusement, c’est le musée des éleveurs qui a la forme d’une nacelle d’avion… (photo chopée sur le web)
Winton, 954 habitants, capitale des dinosaures. Bon nombre de squelettes de dinosaures ont été trouvés dans la région et trois genres y ont même été découverts. Evidemment, je ne retiens que celui qu’on a nommé Elliot, dont on n’a trouvé que le fémur, mais qui me rappelle mon enfance.
Plus sur le vrai Elliot: http://australianageofdinosaurs.com/dino-aaod-elliot.php
Winton est aussi l’endroit où a été créée la chanson emblématique de l’Australie Waltzing Matilda (dont évidemment je ne connaissais que les extraits repris par Tom Waits dans Tom Traubert’s Blues (Four Sheets to the Wind in Copenhagen), les deux versions sont en vidéo ci-dessous, je continue à préférer Tom Waits!). Winton abrite le seul musée consacré à une chanson, le Waltzing Matilda Centre.
Elle raconte l’histoire d’un journalier itinérant qui capture un mouton près de son campement de fortune puis le met dans son sac de nourriture. Quand le propriétaire arrive accompagné de policiers, le journalier se jette dans la mare proche. Depuis ce temps, son fantôme hante le lieu. (source: Wikipédia)
Pour info: Waltzing Matilda, ça veut dire prendre la route, notamment à la recherche d’un travail journalier (Matilda étant le paquetage, faire valser Matilda, c’est une belle image).
McKinlay, 417 habitants, capitale de rien mais lieu du tournage de Crocodile Dundee. L’endroit abrite quand même une belle petite bibliothèque.
Wycliffe Well, 20 habitants, capitale des OVNI. La ville est composée d’un camping et d’un bar et, depuis la deuxième guerre mondiale, on y a vu des centaines d’OVNI défiler. On dit qu’on y fait une de ces rencontres à peu près tous les deux jours.
On ne s’y est pas arrêté, donc je ne peux pas confirmer.
Mount Isa, 22 785 habitants, capitale du Rodéo. Pour nous, au point où nous en sommes, ça pourrait aussi bien être la capitale du monde! Une ville! Une vraie ville avec non seulement un MacDo et un KFC (ça, on avait déjà vu), mais un vrai centre commercial, des vraies rues où on peut se perdre (pas longtemps) et plusieurs camping parmi lesquels on peut choisir (on a choisi celui qui était encore ouvert à l’heure où on est arrivé). Mount Isa, c’est aussi la plus grosse mine de la région et pendant un temps de toute l’Australie. Capitale de Rodéo ? Ouais, peut-être… pour nous, c’est surtout synonyme de douche et piscine!
Les powered spots (emplacements avec électricité)
OK, on a dépassé les 2000 km à Cloncurry, capitale du… curry ? je en sais pas. Il fait chaud et le conducteur (qui n’a jamais été moi) est fatigué. L’idée, c’est de s’arrêter cette fois sur autre chose qu’un aire de repos. En plus on a besoin de refaire le plain d’eau et on aurait bien envie de tester la clim du van et puis merde, on le vaut bien. Donc on se paie le luxe d’un camping civilisé, avec électricité, eau, piscine, et même des PVTistes français sympas (tellement qu’on n’a jamais demandé leur nom, mais bon…). Alors il n’y a pas à dire, le confort, ça vous requinque!
Entre français aussi on s’échange des histoires. Des informations sur le PVT et les moyens de trouver du boulot, bien sûr, mais aussi des anecdote de la route. L’histoire de la vache dans le bush inondé, c’est eux. On apprend aussi qu’il est illégal de tuer volontairement un serpent en Australie. Que, comme on ne les connaît pas, tous les serpents sont dangereux. Que lorsqu’il y a des souris, il y a des serpents. Que le salaire minimum dans les mines est de 165K AU$ annuels (en fait le salaire moyen est de 108K, ce qui est déjà correct). Qu’il y a une ville qui détient la plus grande concentration de millionnaires de moins de 25 ans (aucune trace pour le moment, mais je suis prêt à le croire…). Bref, des histoires qu’on se transmet, véridiques ou déformées, et qui sont, dans leur petite mesure, des débuts de mythologie.
Une fois qu’on a eu goûté au confort des caravan parks, et (je ne sais pas si je l’ai déjà mentionné) comme il faisait un peu chaud, on a continué un peu à courir les emplacements avec électricité. A Tennant’s Creek, Alice Springs, Coober Pedy et Warrnambool.
Tout ce qui fait exception
En général, je le rappelle, la route, c’est ça:
Occasionnellement ça:
Commencé dans la zone des mirages comme peut être une forêt ou un début de montagne, il s’est vite avéré que les quelques taches brunes qu’on voyait à l’horizon étaient douées de mouvement et que ce mouvement, un peu trop lent à notre goût, croisait tranquillement notre route.
Un peu plus tard, je dis « Tiens, je crois que j’ai vue une termitière ». A peine quelques kilomètre plus loin ce n’est plus une ni deux mais des centaines, des milliers de termitières géantes qui balisent le bush. Et quelques heures après, elles ne sont plus l’exception mais une partie intégrante du décor. On n’y fait plus attention que quand un plaisantin les a coiffées d’un chapeau, d’un t-shirt. Mais ça aussi, au bout d’un moment, ça devient normal.
Photos chopées sur le web – article et galerie d’origine: http://www.abc.net.au/local/photos/2013/08/30/3837727.htm
Et donc, quand on croise un rocher, on ne peut pas s’empêcher de le prendre en photo.
Parfois, nous croisons ce que nous croyons des départs de feu. En fait, on se rendra compte assez vite qu’il s’agit de tourbillons de poussière, Dust devils en anglais, ou Willy Willy en Australie. Je ne fais même pas l’effort d’imaginer, je me doute qu’il y a des légendes aborigènes sur ce phénomène.
photo chopée sur le web
Dans les mythes aborigènes, les willy willies sont une manifestation des esprits. Ce sont souvent des esprits assez terrifiants et certains parents mettent en garde leurs enfants que, s’ils ne sont pas sages, un esprit va sortir du tourbillon de poussière pour les punir. Une des histoires racontant l’origine de la grue brolga raconte qu’un mauvais esprit est descendu du ciel et a capturé la jeune créature en prenant la forme d’un willy willy. (source: Wikipedia)
Il faut dire que quand nous arrivons à proximité d’Uluru, j’ai déjà bien avancé dans la lecture du livre que j’ai emporté avec moi sur le Dreaming.
Oh, et bien sûr, comme le geek n’est jamais loin de la vérité, le phénomène des tourbillons de poussière est également visible… sur Mars.
http://youtu.be/gO1s4kDaxZo
A suivre: Les histoires qu’on apprend (une plongée dans ce qui fait l’Australie, ou ce que j’en comprends)